Le 20 mai 2025, nous avons eu la chance d'organiser aux côtés de France Invest, un petit déjeuner-conférence sur le thème "Des entreprises aux LPs : regards croisés sur la décarbonation. La conférence a réuni quatre intervenant·es engagés à différents maillons de la chaîne d’investissement pour explorer les dynamiques concrètes de la décarbonation : des investisseurs institutionnels (LPs) aux entreprises en portefeuille, en passant par les sociétés de gestion (GPs).
Sandrine Lafon-Ceyral (Chief Responsible Officer, Amundi) – La vision des LPs
Pour Amundi, la décarbonation commence dès la phase de due diligence. L’approche repose sur la collaboration plus que sur la coercition : co-construire des feuilles de route climat réalistes avec les GPs, même dans des contextes de maturité ESG hétérogène. Le niveau d’engagement des GPs devient un critère clé de sélection, et peut même constituer un no-go. Sandrine insiste sur l’importance de la transparence au niveau des fonds et des sociétés de gestion, et sur la nécessité de standardiser les données carbone. Si l’objectif est clair – suivre les trajectoires de décarbonation – leur mise en œuvre reste en cours de structuration.
Sarah Mathieu-Comtois (Sustainability Director, Meanings Capital Partners) – L’engagement proactif des GPs
Chez Meanings, la décarbonation est intégrée dès la genèse des stratégies d’investissement. Toutes les activités sont alignées sur une trajectoire SBTi à 1,5 °C, avec un accompagnement poussé des participations. Le climat est un levier de différenciation stratégique, particulièrement valorisé lors des cessions. Sarah observe une diversité de maturité et d’exigence selon les LPs, mais reste convaincue que la pression actuelle sur les sujets ESG, due au contexte géopolitique et à la loi omnibus, ne remet pas en cause leur caractère incontournable à long terme.
Virginie Lambert (Directeur associée, Naxicap Partners) – Traduire les attentes en action
Naxicap joue un rôle de passeur entre les attentes croissantes des LPs et les réalités opérationnelles des entreprises. L’intégration de critères ESG débute dès les premiers comités d’investissement. L’exemple de Moria illustre cette dynamique : une trajectoire de décarbonation a été initiée en amont, et inscrite dans le pacte d’actionnaires. Virginie insiste sur l’importance d’un reporting ESG structuré – non seulement pour répondre aux LPs, mais aussi pour diffuser une culture ESG cohérente dans les portefeuilles.
Rodolphe Devevey (Directeur Achats et RSE, Moria) – Transformer l’entreprise de l’intérieur
Chez Moria, la RSE est née de l’initiative interne et a été fortement soutenue par les actionnaires. Rodolphe a structuré une politique climat ambitieuse, intégrée à la stratégie produit, ce qui représente un challenge dans un secteur aussi sensible que le médical. Le premier bilan carbone réalisé avec Carbometrix a permis de poser les bases d’un plan d’action. Il souligne que la transformation est de long terme – particulièrement sur le scope 3 – et que l’accompagnement des investisseurs est décisif pour maintenir la dynamique, face aux multiples pressions qui pèsent sur les PME.
Cet échange riche continue de démontrer que :
Avancer sur les sujets de décarbonation ne peut se faire que par un dialogue renforcé entre LPs, GPs et entreprises, chacun jouant un rôle spécifique dans la construction d’une économie plus résiliente.
La décarbonation crée de la valeur (gain de parts de marché, réduction de coût, baisse des coûts de financement, anticipation des risques de transition, …) à condition d’être intégrée à la stratégie et au business plan de l’entreprise, portée et suivie par des dirigeants engagés et valorisée lors de la cession dans un "business plan carbone".
La standardisation des reportings est essentielle pour de donner plus de temps à l’action sur le terrain.